Département des Finances – Etat de Genève

Département des Finances – Etat de Genève

Natarajan

Serge

Directeur des Ressources Humaines

Sondage de satisfaction pour 1'400 collaborateurs

Le Département des finances de l’Etat de Genève ouvre le dialogue et responsabilise les collaborateurs grâce à des sondages de satisfaction.

Interview de Serge Natarajan, Directeur des Ressources Humaines et Stéfane Ottiger, Responsable de secteur RH

Depuis 2008, le Département des finances effectue tous les trois ans un sondage auprès de l’ensemble de ses collaborateurs afin d’évaluer leur satisfaction et leur engagement. Les résultats permettent de constater les progressions et les axes à travailler prioritairement en collaboration étroite avec les managers. Serge Natarajan, directeur des Ressources Humaines et Stéfane Ottiger, responsable de secteur RH, livrent leurs impressions sur l’utilité des sondages et les écueils à éviter avec les lecteurs d’ismatnews.

Ismat : Qu’est-ce qui vous a amenés à réaliser un sondage ?

Serge Natarajan : Nous avions défini trois axes principaux. Il s’agissait d’engager le dialogue, de définir des pistes d’améliorations et de pouvoir mesurer la progression par rapport aux sondages précédents. Nous sommes dans un département où beaucoup de services fonctionnent de façon très directive, du haut vers le bas, en silo. Certains ne sont pas habitués à se réunir pour discuter de la manière dont on travaille et vit ensemble 40 heures par semaine. Tout l’enjeu était de se mettre d’accord avec la hiérarchie pour dire « nous allons ouvrir le dialogue et donner la parole aux collaborateurs».

Ismat : Le problème que l’on constate souvent c’est que rien ne se passe après un sondage …comment avez-vous réussi à exploiter les résultats et transformer l’essai ?

Serge Natarajan : Une entreprise qui se lance dans une démarche d’enquête de satisfaction n’est pas toujours consciente de ce que ça signifie au-delà de « faire plaisir aux gens ». Quand on parle d’enquête de satisfaction, on parle souvent d’un changement dans l’état d’esprit du management. Entre 2008 et 2014, il y a eu une vraie appropriation de l’outil et un approfondissement dans son utilisation. Au début, nous agissions au niveau de la Direction et aujourd’hui c’est au niveau du chef de service. C’est finalement un processus de changement de mentalité. Les questions relatives aux facteurs de bien-être au travail sont très importantes. En tant qu’entreprise, on délivre un message et on veut que les managers y travaillent. Il y a une appropriation des résultats qui doit se faire, avec l’équipe, car sans elle, les chances de succès sont moindres.

Stéfane Ottiger : Pour un manager, confronter ses équipes à ce qu’elles ont dit de lui ou de leur environnement de travail peut être très difficile. En 2008, nous étions dans un constat générique. La deuxième fois, les rapports étaient plus détaillés. Il y a eu une volonté hiérarchique aussi de dire « maintenant on veut des plans d’actions qui découlent des résultats ». L’enquête n’apporte pas de réponse : elle pose des questions.Et si on veut pouvoir traiter ce que l’enquête soulève, il faut aller se confronter à la réalité, il faut aller poser le graphique devant les gens et dire « là vous avez dit ça, alors qu’est-ce qui se passe ? » et en fait c’est l’opportunité que nous avons identifiée quand on a fait l’étude l’année passée avec ismat, c’est que tout à coup nous avons saisi la possibilité de descendre à un niveau de granularité[1]très fin tout en garantissant la confidentialité.  Nous y avons vu une véritable aubaine. Cela signifiait qu’on pouvait donner à chaque chef de service, avec des équipes de 15-20 personnes, l’opportunité de voir ce qu’a dit sa propre équipe. Ce niveau permettait d’ouvrir vraiment le dialogue mais il fallait que les responsables s’approprient le processus. Nous avons donc organisé une séance avec tous les directeurs de départements. Une journée entière de travail où nous leur avons donné les rapports et surtout présenté l’opportunité de descendre à l’échelon du dessous. Nous les avons fait travailler sur le sens, sur le comment et sur ce qu’on allait faire. Cette journée a créé un consensus au sein du corps managérial pour développer ce dialogue entre le chef de proximité et son équipe.

C’est tout de même un grand changement que vous souhaitiez instaurer…

Serge Natarajan : Oui, car dans la chaîne hiérarchique, les responsables sont toujours dans un souci d’amener des solutions, c’est les chefs qui savent tout ! Une piste consiste à associer les gens, de ne plus se dire que la solution du problème est l’exclusivité du chef, or le problème est aussi dans l’équipe, c’est un pas délicat de changer le fonctionnement. Il y a une question de sollicitation des gens. La hiérarchie doit s’y habituer, les collaborateurs aussi !

Stéfane Ottiger : En soi, le processus est responsabilisant. Il s’agit de mettre les participants face à la responsabilité de ce qu’ils ont coché…Et il y a eu des moments difficiles…par exemple à un moment, on était sur un slide assez provoquant parce que c’était sur l’équité de traitement dans l’équipe. C’était à la question « je pense que mon chef gère équitablement… » et il y avait 50% d’insatisfaits. Une fois posé ce chiffre, il faut voir quelle est sa raison! Je me suis positionné vis-à-vis de l’équipe en disant : « Si vous n’avez rien à dire, nous le respecterons, mais sachez que s’il y a un problème que vous voulez voir traité, il faut vous prononcer. » On responsabilise les membres de l’équipe, les collaborateurs pour leur dire « c’est à vous aussi de vous prendre en main, vous avez la responsabilité de dire ce qui ne va pas, c’est vous qui êtes le moteur». Ils deviennent aussi responsables de la dynamique d’équipe, et ça c’est très nouveau. Beaucoup sont habitués à ce que tout doive venir du chef. Quand ça ne vient pas, ils se sentent frustrés. Cela peut figer des situations très difficiles à décoincer ensuite.

Donc d’après vous, entreprendre une action de sondage, c’est prioritairement vouloir entrer dans un processus de changement ?

Stéfane Ottiger : Si les résultats du sondage démontrent des taux de satisfaction de 99.99% sur toutes les dimensions il n’y a pas besoin de faire grand-chose. Mais si les taux tournent autour de 50-60% et qu’il y a des dimensions sur lesquelles il faut travailler, c’est que forcément ça va toucher les pratiques et la culture, et il y a plein d’éléments sur lesquels on peut facilement travailler, sans que cela représente un investissement considérable.

Quelles sont selon vous les retombées d’un sondage pour l’organisation ?

Stéfane Ottiger : Sur les trois enquêtes qui ont été faites en 6 ans, le taux de participation est passé de 86% à 64%. Nous avons eu 10 points de baisse à chaque fois et je pense qu’il y a aussi une certaine lassitude qui provient du manque d’actions concrètes découlant des enquêtes.. Cette fois, la retombée très claire est que chaque individu s’est retrouvé dans une salle à parler des résultats avec le chef et toute l’équipe. C’était très concret. Les séances de restitution ont permis de susciter de vrais moments de dialogue.

Serge Natarajan : Parmi les retombées, il y a le fait de clarifier les points sur lesquels l’employeur veut mettre l’accent. C’est un outil de pilotage pour la hiérarchie. Cela lui permet de mesurer où elle se situe par rapport à ces dimensions-là, et c’est aussi un message au collaborateur.

Le vrai problème est parfois qu’il n’y a pas eu de dialogue ni d’échange sur certains sujets.

Quand on dit qu’on va faire une enquête de satisfaction, on le fait parce qu’on peut s’améliorer, il y a toujours une marge même si les choses vont bien. On se dit « on peut tous progresser ». Cette philosophie est aussi une retombée, et globalement si on regarde les résultats, il y a eu une progression sur la plupart des dimensions.

Stéfane Ottiger : Une dimension qui est intéressante aussi est le fait d’être allé à ce niveau de granularité de services car avant, les directeurs généraux se trouvaient avec un rapport dans les mains avec un devoir d’action. Ce n’est pas simple de mettre en place des actions pertinentes à cet échelon-là. C’est beaucoup plus simple de les mettre en place au niveau de l’échelon de service, parce que les résultats qui découlent des séances de restitution, ce n’est pas de la physique nucléaire…on va juste clarifier nos attentes vis à vis des autres, communiquer sur ce dont on a besoin, sur des choses très pragmatiques, qu’un directeur général ne voit pas forcément. Et l’action finalement pour le directeur général change, parce qu’au lieu d’être celui qui doit fournir des solutions sur la base d’un rapport qui lui est fourni, il se retrouve dans la situation de dire : « vous me donnez le suivi de vos plan d’actions ». Donc on le met d’office dans une position de délégation. Le directeur général n’est plus le pourvoyeur de solutions, il devient le coordinateur du suivi. Ce n’est pas la même activité et c’est sain parce qu’il n’a pas besoin d’être Dieu et de trouver toutes les solutions, par contre il a un devoir de faire en sorte que ses cadres suivent pour qu’ils puissent avancer.

Concrètement, comment avez-vous organisé les choses pour travailler sur les résultats ?

Stéfane Ottiger : Nous n’avons pas voulu trop réguler l’exercice. Concrètement, dans ma direction, j’ai tiré tous les rapports par service, je les ai donnés aux chefs de services et à leurs directeurs. J’ai eu une première séance d’analyse des résultats avec le chef de service et le directeur. Pendant deux heures au minimum on passe en revue tous les résultats et on ressort les points prépondérants et qui paraissaient dignes d’attention. Après c’est aux chefs de service de mettre en place une présentation, d’extraire ce qui les intéresse, avec notre aide. Nous leur avons laissé le choix d’être accompagnés des RH, du M+1, ou pas. Certains ont décidé de le faire seul, certains uniquement  avec le M+1 ou les RH, certains les deux. Ensuite, pour le plan d’action, une fois que cet exercice était  accompli, j’ai fait une synthèse des points relevés avec des solutions proposées quand il y en avait et j’ai discuté de cette synthèse avec les responsables hiérarchiques. Ensuite c’est à eux de jouer et nous étions à leur disposition pour les aider et les soutenir.

Comment se sont passées ces séances ?

Serge Natarajan Il y a eu des sacrés coming out ! Des choses qui étaient sous le tapis depuis longtemps sont ressorties. Il y a eu des moments assez intenses avec pas mal d’émotions, ce qui n’était pas malsain en soi, c’était même plutôt bien.

Quels indicateurs montrent que le processus suit son cours ?

Serge Natarajan : Nous allons donner un tableau aux directeurs généraux en leur demandant les actions qu’ils comptent mener prioritairement, les axes identifiés et les décisions prises. Tous les points ressortis dans l’enquête ne peuvent pas nécessairement être traités. Finalement, ce qui est important, c’est qu’ils commencent à travailler sur quelque chose. Certains viennent me voir et me disent qu’ils ont décidé des choses très opérationnelles et c’est bien, parce qu’ils ont constaté qu’en fait, ils ne discutent jamais. Finalement ils ont besoin de se réunir pour parler de leurs problèmes opérationnels. Après, on veut savoir ce qu’ils vont faire pour maintenir le système en place, donc on est vraiment sur la structure et l’organisation.

Après 3 sondages, qu’est-ce que vous avez appris ?

Serge Natarajan : Qu’il faut avoir un niveau de granularité suffisamment intéressant pour analyser les résultats, pas par curiosité malsaine mais pour engager le dialogue. L’étude devient un prétexte pour engager le dialogue. Le sondage se transforme en outil institutionnel.

Ismat : Cela signifie-t-il que l’outil de mesure principal de la satisfaction serait le sondage ? Un outil qui ferait partie intégrante de la culture d’entreprise ?

Serge Natarajan : On doit avoir quelque part cet outil comme n’importe quelle entreprise mène aujourd’hui des enquêtes de satisfaction sur les prestations. Ici, on a une enquête de satisfaction qui va donner des indicateurs. Si on part du principe que la satisfaction au travail va déterminer la façon dont les gens fonctionnent, c’est quand même un retour important.

Stéfane Ottiger : Le travail effectué sur cette enquête va nous permettre d’aller vers une culture de dialogue. C’est par l’action que nous allons faire évoluer la culture. On peut faire des déclarations d’intention, mais si nous n’agissons pas, ça ne sert à rien.

Selon vous, quels seraient les risques de faire un sondage sans y donner de suite ?

Stéfane Ottiger : Générer une perception fausse : « on nous demande notre avis, on nous demande de contribuer, mais cela ne débouche sur rien. » Donner à penser que l’entreprise fait ça pour redorer son  blason, pour dire finalement « tout va bien, c’est juste un exercice alibi pour se rassurer un petit peu ».

Serge NatarajanÇa revient sur la question du pourquoi, c’est-à-dire délivrer implicitement un message disant que « ces dimensions sont importantes, votre avis est important », sans qu’on voit ce qui change ou ce qui s’est fait. A court terme, les gens sont assez tolérants. Mais à moyen terme il faut avoir quelque chose de visible, et c’est un risque de se dire qu’il n’y a pas grand-chose qui a bougé.  

Quelle valeur ajoutée vous a apporté ismat dans cette démarche ?

Stéfane Ottiger : L’outil et le savoir-faire. On a vu, en créant seuls à l’interne un outil de perception des RH que l’analyse des résultats, le traitement des données ne s’improvisent pas. La façon de rédiger les questions, le feedback qu’on a obtenu par ismat sur le questionnaire qu’on a créé a été extrêmement utile. Ismat a une expertise dans la façon de formuler les questions, dans la construction du questionnaire et dans le traitement des résultats. J’ai mesuré l’intérêt d’ une plateforme qui nous permet d’aller extraire les résultats comme on veut et de générer des graphiques avec une grande facilité. Il y a aussi l’accompagnement, la logistique de mise en place, la garantie de confidentialité et le fait que vous puissiez adapter les choses en temps réel : tous ces aspects techniques qui ne sont pas notre métier.

Bio express :

Né en 1965, Serge Natarajan a grandi et suivi ses écoles à Bâle. Au terme de ses études universitaires en Sciences des Lettres, il est engagé comme coursier à vélo, et occupe des postes d’enseignant avant de rejoindre le CICR, en tant que délégué. Pendant plusieurs années, ses missions l’ont emmené dans des pays en conflits, principalement en Afrique et en Amérique Latine, avant qu’il rejoigne la direction des opérations à Genève. Intéressé par les enjeux liés à la bonne gestion des personnes, il entreprend des études dans le domaine des ressources humaines et obtient un MBA à l’université de Lausanne en 2003. Marié et deux enfants, il occupe depuis octobre 2008, le poste de Directeur des ressources humaines au département des finances de l’Etat de Genève.

Né en 1975, Stéfane Ottiger a grandi en Veveyse, à cheval sur les cantons de Fribourg et Vaud. Diplômé de l’Ecole Hôtelière de Lausanne en 1999, il passe la première partie de son parcours professionnel dans l’humanitaire. De l’Angola à l’Afghanistan, du Moyen Orient au Libéria, il vit une grande diversité de situations humaines avant de rejoindre le siège de l’institution en tant que responsable RH pour les employés engagés sur le continent africain. C’est dans cette fonction qu’il développe une vision plus stratégique de la fonction RH. Père de deux petites filles, il est aujourd’hui responsable RH au département des finances de l’Etat de Genève, en charge des aspects de santé, bien-être, développement et formation des collaborateurs, et aime se considérer comme un agent du changement…

Chiffres clés

Nombre de collaborateurs/trices = 1390

Ratio entre hommes et femmes = 50% – 50%

Nombre de managers = 177

Exemples de mesures prises :

–           Réorganisation d’un service

–           Introduction de la possibilité de faire du télétravail

–           Mise en place de séances de service (information et/ou coordination)

–           Réorganisation de processus opérationnels

–           Meilleure identification des besoins en matière de formation lors d’entretiens d’évaluation

–           Introduction de l’annualisation du temps de travail

–           Améliorer la participation des collaborateurs aux décisions

–           Organiser une journée pour améliorer la cohésion d’équipe

–           Mise en place d’aménagements pour atténuer des effets négatifs d’un open space

–           Organiser des séances d’informations et d’échanges

–           Clarifier les possibilités d’évolution dans un métier

 

Interview : Sophie Hautbois et Mathieu Golano

[1]Une granulométrie fine permet d’obtenir des résultats par entités sans toutefois descendre en dessous de panels inférieurs à 7 collaborateurs, pour conserver une confidentialité totale dans les résultats.

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